Dans l’Égypte Antique en -1167, la première grève franche réussie de l’histoire de l’humanité

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hieroBien que « l’économie industrielle », et donc « l’économie de marché », était absente dans les civilisations archaïques, il existait déjà, des ouvriers et ceux-ci avaient une conscience de classe. L’Egypte a ainsi été le premier pays à connaître une grève : le « Papyrus de la Grève » datant de la XXème dynastie (1190-1080 avant notre ère), conservé au musée de Turin en Italie, a été rédigé par le scribe Amennakht qui rapporte les faits d’une grève à Deir el-Médineh (Haute-Égypte) à l’Ouest de Thèbes (Louxor), près de la Vallée des Reines.

Dans cette ville résidait la confrérie des artisans (maçons, tailleurs de pierres, peintres, sculpteurs…) chargés de construire les tombeaux et les temples funéraires des pharaons durant le Nouvel Empire sous le règne de Ramsès III. Ces travaux s’effectuaient contre un salaire en nature : logement et nourriture suffisante pour entretenir une famille de dix personnes, soit un revenu trois fois supérieur à celui d’un travailleur agricole moyen; la journée de travail était de huit heures et ils bénéficiaient d’une assistance médicale efficace (soins en cas d’accident, y compris amputations proprement effectuées). On y trouvait également des petits fonctionnaires de l’État chargés de l’organisation et du suivi des travaux. Contrairement à une légende, ce ne sont pas des esclaves qui construisirent les tombes de la vallée des rois ou encore le temple d’Hatchepsout, mais bien ces ouvriers qualifiés et petits fonctionnaires de Deir el-Médineh.

À cette époque, l’Égypte connaît une grave crise à la fois administrative et politique typique du mode de production antique : des riches, des gouverneurs et des chefs religieux veulent devenir autonomes contre l’État central, d’où une désorganisation dans les tâches assurées généralement par celui-ci (paiement des fonctionnaires, approvisionnement, grands travaux…).

C’est donc dans cette situation, le 29 décembre 1167 avant notre ère (il y a donc 3177 ans !), que n1ayant rien reçu depuis 18 jours les ouvriers – avec le soutien actif de leurs femmes – cessent le travail et marchent vers les temples (symboles du pouvoir) et crient « nous avons faim ! ». Une conciliation échoue, les ouvriers décident alors d’occuper les temples et bloquent toutes les activités.

Les grévistes expliquent et expriment leur revendication : « Si nous en sommes arrivés à ce point, c’est à cause de la faim et de la soif ; il n’y a plus de vêtements, plus d’onguents, ni de poissons, ni de légumes; écrivez au pharaon, notre bon seigneur, sur ce sujet, et écrivez au vizir ; notre supérieur, pour que les provisions nous soient données ».

N’ayant pas satisfaction au soir du premier jour, ils poursuivent le deuxième, puis le troisième et vont jusqu’à occuper l’enceinte sacrée autour du temple funéraire de Ramsès II. Faute de résultats, les grévistes décident de camper à l’intérieur même du temple funéraire de Ramsès Il durant un jour et une nuit. Cela constituait un défi considérable à l’autorité. Ils obtiennent alors satisfaction : le restant dû des mois précédents leur est octroyé.

Pour arriver à un tel résultat, il y eut forcément une action concertée et collective pour cesser le travail. Il y eut également forcément une coordination de l’action et le début d’une organisation des travailleurs. Mais cette époque étant très éloignée, nous n’en savons pas plus à ce sujet.

Cet événement illustre bien toutefois à quel point une grève franche avec blocage de toute l’activité, est en mesure de faire plier le pouvoir en place pour satisfaire les revendications claires des travailleurs.

Source : Reproduction d’un article du journal « Force Ouvrière » (France) basé sur cette page. Merci à Christian Ronse.

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